Entretien avec Claudine Badey-Rodriguez, psychologue en maison de retraite et auteure de «La vie en maison de retraite : comprendre les résidents, leurs proches et les soignants »
Peut-on choisir l'établissement où son proche sera accueilli ?
« En principe, oui, mais deux réalités majeures s'y opposent. D'une part, le nombre de places disponibles en établissement varie beaucoup selon la zone géographique. Dans certaines d'entre elles, il est si restreint que le choix se révèle impossible : on est obligé d'aller là où une place se présente ! D'autre part, le maintien à domicile des personnes âgées et dépendantes se fait parfois jusqu'à son extrême limite, ce qui augmente le risque d'un placement d'urgence. Sans visites préalables, sans délai de réflexion possible, le choix se réduit fortement. »
Comment se donner plus de liberté de choix ?
« Lorsqu'une personne présente des pathologies risquant de devenir assez lourdes et que tôt au tard, son maintien à domicile peut se révéler impossible, il est important d'évoquer suffisamment tôt la possibilité de l'entrée en institution. C'est un sujet difficile : la personne concernée peut ne pas être d'accord, et même réagir violemment ! Il vaut toutefois mieux en parler avant qu'elle ne soit confrontée brusquement à cette obligation et l'associer à la recherche d'un établissement. Une évaluation pluridisciplinaire (médecin traitant, assistante sociale, kinésithérapeute…) et concertée permet de dégager la seule famille de la responsabilité de la décision et du choix du type d'établissement. Un Centre Local d'Information et de Coordination en gérontologie (CLIC) peut lui fournir une aide précieuse. En s'y prenant à l'avance, la personne âgée et son proche peuvent en visiter plusieurs, revenir à différents moments de la journée -notamment à l'heure des repas- pour voir comment la vie s'y organise. Ils ont le temps de rencontrer les responsables et de leur poser des questions essentielles sur le fonctionnement de leur structure. »
Etablissement du secteur public ou privé : le choix influe-t-il sur la qualité de la prise en charge ?
« Impossible de généraliser et d'opposer le public au privé : il existe de bons établissements dans les deux secteurs. L'accroissement des besoins en hébergement des personnes âgées et dépendantes a attiré les investisseurs : depuis une quinzaine d'années, de nombreux groupes et établissements privés se sont développés. Ceux-ci présentent des variations très importantes de qualité de prise en charge. Certains disposent d'équipes motivées et dynamiques, alors que d'autres, malgré une très belle vitrine, n'offrent pas un service à la hauteur de leurs tarifs. Leur taux d'encadrement en personnel et la qualité de l'accompagnement ne sont pas forcément supérieurs à d'autres établissements moitié moins chers. »
Une fois le choix effectué, comment s'assurer que l'établissement restera ouvert aux besoins de ses résidents et des familles ?
« Chaque établissement est tenu de mettre en place des « Conseils de la vie sociale » réguliers. Ces instances consultatives réunissent les familles, les résidents et des représentants de la direction et du personnel : tous peuvent y poser des questions et faire des remarques sur le fonctionnement de leur structure. Certains directeurs d'établissements considèrent ces instances comme une obligation réglementaire et se bornent au minimum. D'autres se sont emparés de l'intérêt du Conseil de la Vie Sociale pour développer la participation et l'association des usagers et de leurs proches à la vie de leur établissement. Les procès-verbaux de ces réunions, affichés à disposition des visiteurs, donnent un aperçu des problématiques abordées, mais surtout de la place accordée à la concertation. Le proche peut vérifier auprès de la direction la fréquence et la durée de ces interventions, la présence de représentants de familles et la possibilité de les rencontrer. »
Propos recueillis par Emmanuelle Manck, rédactrice